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  • Lucile

PNL et le conflit de socialisation - Le monde chico (part 1)


Qu’entend-on par socialisation, socialisations contradictoires on conflits de socialisation ?

La socialisation c’est la façon dont la société forme et transforme l’individu, très large donc…

Selon Darmon, il existe trois niveaux d’existence qui correspondent à trois types de socialisation : la socialisation de génération, de genre et de classe (celle qui va nous intéresser chez PNL).

On peut également se poser la question de l’existence de contradictions ou de conflits entre la socialisation primaire (enfance et adolescence) et secondaire (âge adulte).

Enfin, il peut également y avoir contradiction ou conflit entre les différents milieux de socialisation de l’individu : familial, amical, conjugal, professionnel, etc… (là encore le sujet est très présent chez PNL, particulièrement dans leurs premiers projets).


Petit sommaire de cette thématique en trois parties :


Première partie : Conflit entre la socialisation familiale, professionnelle et religieuse – Illustration avec les albums « Que la famille » et « Le monde chico »

Deuxième partie : Socialisation de classe – Groupe d’appartenance vs groupe de référence – Illustration avec « Dans la légende ».

Troisième partie : Le conflit identitaire – Illustration avec « Deux frères »


Une présentation de PNL s’impose pour bien comprendre de qui on parle : PNL signifie Peace and lovés (à ne pas confondre avec peace and love) qui signifie : paix et argent.

Ce duo est composé d’Ademo, de son vrai nom Tarik et de NOS, de son vrai nom : Nabil. Aucune info sur la signification de leurs noms d’artistes.


Particularité numéro 1 : ils sont frères, vous verrez que chez eux, tout se fait en famille.


Numéro 2 : Ils n’ont pas connu leur mère, on devine dans leurs chansons qu’elle les aurait abandonnés bien qu’ils ne le formulent jamais directement, les quelques fois où ils parlent d’elle c’est pour dire qu’elle n’a pas été là et qu’ils ont ressenti (et ressentent toujours) un manque.


Numéro 3 : Ils ont été élevés, en partie, par leur père. Ils ne donnent pas toutes les infos sur leur père donc voilà celles qu’ils ont donné en chanson :

Leur père était un « bandit » : « élevé par un bandit, papa apprends-moi à tuer » ou encore « J’avais la confiance même avec les grands car mon papa c’était le plus méchant ». Ce dernier leur aurait laissé le choix de suivre la même voie ou de tenter de faire des études : « Sois le meilleur dans le crime ou à l’école, c’est ce qu’a dit Baba ».


Numéro 4 : Ces derniers auraient commencé par faire des études, qu’ils ont été obligés d’abandonner n’ayant pas les moyens de les financer.

C’est là qu’ils ont donc décidé, comme leur père leur a appris, de choisir le « crime » en créant leur réseau de trafic de drogue. Tarik a été arrêté et condamné pour trafic de stupéfiants. A sa sortie de prison, ils décident d’arrêter la vente de drogue pour réinvestir leur argent dans le rap. Et c’est là que deux légendes sont nées…


Vous l’aurez compris, ils ont grandi dans un cadre de vie, on ne peut plus difficile et insécurisant. Ce qui explique les différentes thématiques présentes sur chaque album :

- Les émotions : Les textes de PNL sont très portés sur les émotions qu’ils ressentent : deux émotions en particulier : la tristesse et la haine.

- La famille : Ils sont « QLF » (Que La Famille)

- Leur objectif : Avoir « le monde » (autrement dit : réussir, obtenir l’argent et la paix)

- Leur religion : ils sont musulmans et Dieu occupe une place importante également dans leurs textes.


L’utilisation du mot « monde » n’est pas propre au rap. Berger et Luckmann parlent de différents « mondes » de socialisation co-existants. Pendant notre enfance, un « monde » nous sera inculqué dans notre éducation. Cependant, pour PNL il existe « le monde » auquel ils n’ont pas accès et qu’ils veulent conquérir. Leur vie leur semble si insignifiante qu’ils ne la considèrent même pas comme un « monde » à part entière, du moins au début...


Conflits entre les différents milieux de socialisation – Que la famille et Le monde chico


Chaque personne vit au carrefour d'une multitude de groupes de socialisation : la famille, les amis, le couple, le travail etc

Il est possible que ça fasse « contradiction » entre tout ça. Chez PNL ça fait très contradiction même, surtout si on sélectionne les trois milieux de socialisation suivants : le travail (symbolisé par l’argent et la vente de drogue), la famille et la religion.


Dès le 1er titre de l’album « Le monde chico », les bases sont posées :


On est voués à l’enfer, l’ascenseur est en panne au paradis


Premier niveau de lecture, ils expriment le fait que l’ascenseur social ne descend jamais chercher ceux qui sont nés en bas. Il leur faut donc monter par leurs propres moyens :


C’est bloqué ? Ah bon, bah je vais bicrave dans l’escalier (…)

Au fond du trou, j’empile mes pêchés et j’escalade


Deuxième niveau de lecture, ici, les termes « enfer », « paradis » et « pêchés » ne sont pas utilisés au hasard. Étant musulmans, la phrase « voués à l’enfer » prend un double sens. Ils comparent souvent dans leurs textes la vie dans leur cité comme étant « l’enfer sur terre » car c’est une vie de misère, de violence et de souffrance. Seulement, comme l’ascenseur est « en panne » leur seule façon de monter est de « vendre de la drogue dans l’escalier » qu’ils comparent au fait d’empiler leurs pêchés pour escalader. Mais vivre une vie de pêchés, c’est être condamné à l’enfer après la mort. Ici le mot « voué » renvoie donc au fait qu’ils sont condamnés à l’enfer, ils ont seulement le choix de vivre cet enfer de leur vivant ou après leur mort. Et pour pouvoir épargner à leur famille (notamment à leur plus petit frère) cette même condamnation, ils se sacrifient, vendent leurs âme au diable pour faire de l’argent et les mettre à l’abri.


Et ce conflit, c’est toute la thématique des premiers projets de PNL :

Dans le milieu dans lequel ils sont nés, il est nécessaire de dealer pour obtenir de l’argent qui leur permettra de nourrir leur famille et de « prendre le monde ». Cela rentre en conflit avec leur culpabilité liée à cette activité, leurs valeurs personnelles, leur envie de « faire le bien », en partie due au fait que leur activité va à l’encontre de leur foi.

En résumé, ils veulent « le monde » pour mettre à l’abri leur famille, c’est ça le plus important. Mais c’est au détriment de leurs valeurs personnelles et religieuses mais aussi de leur bien-être personnel.


Illustration de cette boucle en quelques citations :


Situation de départ : Misère


« Viens visiter, chez nous pas de gros meubles, pas de grosses télés »

« Les dents frottent l’assiette »


Par conséquence :


La famille a faim, pas le temps de raconter ma life, trêve de balivernes


Comment y remédier ?


Bien sûr que je pense qu’à compter, j’ai des vies à combler


Lundi j’vends, mardi j’vends, mercredi j’vends, jeudi pénurie

Jeudi soir j’vais chercher, vendredi j’vends, samedi et dimanche j’vends, pour la miff


Ce qui leur permettra d’obtenir le monde :


On veut notre coin d’herbe, on veut la planète Terre

On veut le monde chico


Tout pour les miens

Le monde ou rien


Contradiction avec leurs valeurs personnelles :


« Je suis la pomme pourrie qui s’écarte du panier »

« Je m’écarte des frontières du bien »


Ou religieuses :

A faire le haram je sais que je m’enfonce

Mais bon personne nourrit les miens


La contradiction ne mène pas obligatoirement au conflit, mais ici c’est le cas car les conséquences de ces contradictions sont les émotions suivantes :


La haine :

« Les larmes de la misère ont le goût de ma haine »

« J’tiens dans la haine »


La souffrance :

« Je suis comme le bas de mon bâtiment, j’ai tous les jours le cafard »

« Je mens quand je dis : ça va »

« Marre d’avoir le sourire à l’envers »


La culpabilité :

C’est sale quand je vends la came

Mais bon croyez pas que je kiffe, des remords quand je suis à table


Lahire explique que le conflit « psychique » apparait quand une trop grande multitude d’attitudes ou de comportements sociaux contradictoires rend impossible l’illusion de l’unité de soi.

Pour aller plus loin, Malewska-Peyre et Tap expliquent que le conflit provient d’incitations sociales contradictoires mais aussi de contradictions entre les « pulsions » personnelles et les exigences sociales. Les auteurs parlent de conflit en fonction du « sens » que les individus donnent aux contradictions qu’ils traversent et de la manière dont ils vont réduire ces « divisions ». Ils synthétisent la notion de conflit dans la question suivante : « Est-ce vraiment moi ? ». En résumé le conflit est ici synonyme de sentiment « d’aliénation » ou de « dissonance ».


Mais alors, que vont-ils choisir de faire pour pouvoir surmonter ce conflit ?


Je peux pas m’endormir sans demander pardon

Je fais le plein de souvenirs, je retourne au charbon


Malgré leur culpabilité, ils retournent faire de l’argent, la boucle est bouclée et le choix est fait, celui du sacrifice de leurs valeurs personnelles au profit des exigences sociales : ici le bonheur de leur famille.


Bonus : la citation stylée

Pas de futur, dans les poches c’est le passé

Sur le présent, un cadenas, tant qu’il y’a pas assez


Pour conclure :

Il faut savoir que PNL reprend les mêmes thématiques, les mêmes codes, mots, expressions etc… au fil des chansons et des albums. Cependant, chaque album va se focaliser sur une thématique précise. Et les prochains parleront notamment des conséquences de ces conflits de socialisation introduits dans les deux premiers albums.

La prochaine partie, illustrée par l’album « Dans la légende », va reprendre et développer une thématique qui a été introduite dans « Le monde chico » :


« Je préfère m’éteindre plutôt que de briller dans l’ombre de ces bâtards, le monde chico »

« On prend le monde seuls, la porte est entrouverte, on glisse le majeur »

« QLF on veut le trône dans la jungle, loin des hommes »


Mais qu’ont-ils bien pu vouloir dire ? La suite dans la prochaine partie…

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