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Orelsan (part 3) - Devenir (enfin) adulte ? - La fête est finie

  • Lucile
  • 9 sept. 2023
  • 9 min de lecture

Dernière mise à jour : 5 janv.

Dans cet album Orelsan reprend complètement son introspection et son récit du passage à l’âge adulte. Six années se sont écoulées depuis la sortie du « Chant des sirènes », alors, Orelsan a-t-il grandi ?


Comme toujours, le morceau introduisant l’album décrit son état d’esprit initial. Le point de départ de l’album. Et le moins que l’on puisse dire c’est qu’il est toujours aussi « perdu », son identité toujours aussi instable et son mal-être est toujours présent :


Ça fait mal à la fierté, j’ai du mal à l’admettre mais j’ai jamais été aussi perdu


J’pensais me lever un matin, être un homme

Sûr que la vie que j’ai choisie est la bonne

Fiable, avoir construit quelque chose de stable

J’suis qu’un sale gosse sur un château de sable


Mais ce morceau amène une nouveauté qui va faire une sacré différence. La phrase suivante vient couper le morceau en deux :


Mais je craquerai pas, je craquerai pas, je craquerai pas, je craquerai pas


Cette phrase qu’il se répète va être le symbole de la suite du morceau et de l’album. Dorénavant, des solutions vont être cherchées. Il faut trouver la force d’aller de l’avant, de chercher le positif dans tout ça, de faire preuve de résilience. En résumé dans tout ce qu’il n’accepte pas, Orelsan va devoir apprendre à identifier quels aspects de sa vie il peut et doit changer. Mais il doit également identifier ceux qui devront être acceptés, ceux avec lesquels il doit apprendre à vivre, car il n’a pas d’emprise dessus.

En résumé, Orelsan avance dans son processus de « devenir adulte » car il va commencer à stabiliser son identité en triant entre ce qu’il va : accepter, travailler et changer, garder etc…


Je pourrai plus m’enfuir

Mon frère a deux enfants, je veux les voir grandir

J’veux plus faire semblant, plus jamais mentir


Le monde est vénéneux, mon cerveau fait des nœuds

J’me fais à l’idée d’aller jamais mieux


J’veux plus faire marche arrière

J’arrive à peine à la fin du début de ma carrière (…)

On a commencé dans une salle des fêtes

On va devenir ce qu’on voulait être


Si l’on en revient aux stades d’Erikson, a-t-il enfin trouvé la stabilité dans son couple, dans sa famille, dans ses groupes de socialisation ? Parvient-il à avoir des relations de profond partage ? Le stade d’intimité (dont on parlait dans l’album précédent) est-il atteint ?


Concernant ses amis, il en parle assez peu dans cet album car les thématiques vont se focaliser sur d’autres personnes. Lui qui se décrivait en décalage avec sa famille et incompris (surtout dans Perdu d’avance), va enfoncer le clou dans cet album avec le titre « Défaite de famille » dans lequel il critique tout le monde de manière assez véhémente et termine avec :


J’aimerais finir en disant que peu importe les sourires, la fête au village

Il a suffi d’un petit héritage pour qu’on voit vos vrais visages


C’est pas encore ça, mais LE changement de l’album c’est bien son rapport au couple :


Elle est la fille qui va changer ma vie

J’aurai plus jamais peur, j’aurai plus jamais froid, je serai plus jamais seul

C’est celle que j’attendais, je savais pas que je l’attendais

J’croyais pas en l’amour avant de le voir en vrai


J’vais enfin pouvoir me poser

La réponse à toutes mes questions s’endort à mes côtés


Si on revient au stade du « jeune adulte » d’Erikson, on peut dire que l’intimité a été atteinte. Orelsan ne craint plus que l’engagement de ses relations intimes (notamment son couple) lui fasse perdre sa liberté et son identité.


Mais de manière générale, si Orelsan semble avoir trouvé du positif, s’il semble parvenir à avoir des relations satisfaisantes et s’il semble faire preuve de résilience, il n’arrive pas encore à accepter sa vie, il ne s’est pas encore « trouvé ».

Pour commencer, on peut pointer du doigt le fait qu’il ne semble toujours pas accepter sa célébrité, alors même que c’est ce qu’il a toujours voulu, faire de la musique populaire pour plaire à un public et vivre de sa musique. Au-delà de sa célébrité, c’est même sa vie d’artiste qu’il a du mal à apprécier :


Marre de faire des grands sacrifices pour des petites gloires

Sans même savoir savourer la victoire


Tu me trouves marrant, dommage j’en fais pas exprès

J’suis mal à l’aise dans leurs émissions télé

J’me fais siffler comme un iench ou une meuf bonne

Trop de merde à gérer pour écrire l’album


T’aimais mieux quand j’étais moins connu

Sauf que tu me connaissais pas non plus

Je croyais que c’était cool d’être célèbre

Quand-est ce que ça s’arrête ?


En plus du reste, Orelsan a grandi, certes, mais il a toujours du mal à accepter de vieillir. La chanson « La fête est finie », qui donne son nom à l’album, traite justement de cette thématique, du fait de passer de l’autre côté de la barrière de l’âge, de ne plus se sentir jeune (pour info il a 35ans au moment de la sortie de l’album). Ce qui donne un morceau mélancolique, accentué par le fait de répéter en boucle « la fête est finie » en guise de refrain.


Un jour tu trouves la vodka-redbull dégueulasse

La musique est trop forte, tu connais aucun son qui passe (…)

T’étais un jeune cool, maintenant t’es plus qu’un oncle bizarre


Et comme il n’accepte pas encore sa vie, ni le temps qui passe, il exprime dans cet album une grande nostalgie, son désir de revenir en arrière :


J’aimerais retrouver la magie du début


Je regrette mes vieux démons, roi dans le mensonge


On a presque l’impression qu’il a envie de revenir à l’adolescence et à l’époque de « Perdu d’avance », notamment quand on écoute « Dans ma ville on traîne » qui retrace son enfance et son adolescence à Caen :


On a trainé dans les rues, tagué sur les murs, skaté dans les parcs, dormi dans les squares

Vomi dans les bars, dansé dans les boîtes, fumé dans les squats, chanté dans les stades


Il est tellement nostalgique de sa vie d’avant qu’il a écrit un morceau entier pour parler du fait qu’il pleuvait souvent à Caen quand il y vivait et que donc, la pluie lui manque :


Je connais que le bruit de la pluie, l’odeur du béton mouillé

Si j’suis parti c’est parce que j’avais peur de rouiller

Trempé, j’aurais jamais pensé que le mauvais temps finirait par me manquer


Orelsan semble encore bien loin d’avoir terminé sa quête identitaire dont on parle depuis 3 analyses et 3 albums. A ce sujet, si j’ai déjà indiqué que plusieurs auteurs parlent l’un long processus de « devenir adulte » marqué d’allers et retours, certains comme Baudelot (2008), parle de l’âge adulte comme d’une « ligne d’horizon qui recule à mesure que le sujet avance et qui réparait devant lui quand il pense l’avoir franchie », ainsi : « La notion d’adulte ne renvoie plus à un statut, elle n’est que perspective ».

Ici, on se retrouve donc avec un Orelsan qui a certes évolué sur certains aspects de sa vie, mais qui semble carrément en régression sur d’autres…

Selon de Singly (2000), un adulte qui arrive à la « fin » de ce stade de développement peut avoir des envies de revenir en arrière et de tout recommencer. Il explique ce désir de changement du fait que certaines personnes ont peur de penser que « leur vie est finie » car ils se sentent enfermés dans une vie toute tracée. Ce qui expliquerait pourquoi tant d’individus ont du mal à se sentir adultes et à se considérer comme tels.


Bon… laissons ça de côte pour le moment et revenons à Erikson, si Orelsan n’a pas encore « complété » le stade 6 du jeune adulte, il a pourtant mis un pied dans le suivant, ce qui montre bien qu’on ne passe pas mécaniquement d’un stade à l’autre.

Le stade suivant, c’est celui de « Générativité vs Stagnation » qui correspond au sujet pleinement adulte. Ce stade renvoie à l’adulte qui se préoccupe et s’engage pour la génération future (définition de la générativité). Orelsan commence pour la première fois à évoquer le sujet :


On était sensés changer les choses

Depuis quand les choses nous ont changés ?

On était sensés rien faire comme les autres

Est-ce que tout le monde mentait ?


Evidemment, encore une fois, Orelsan évoque ce thème sous forme de regrets, du sentiment d’insatisfaction, d’avoir mal fait, d’avoir raté.

Je disais que dans le stade de générativité, l’adulte éprouve un intérêt pour la génération suivante, pour la guider. Pourtant, dans cet album Orelsan est, encore une fois, très centré sur lui-même. Mais il décide, dans le morceau qui clôture l’album « Notes pour trop tard », de donner des conseils qu’il aurait aimé recevoir dans le passé, quand il était plus jeune. Il déclarera : « C’est des paroles que j’ai écrites pour mon « moi » de Perdu d’avance ».

Et en faisant cela, il a en quelques sortes réussi à s’adresser à tous les adolescents et aux jeunes qui se sont identifiés. Il parvient donc à guider la génération qui suit, de manière indirecte, toujours en parlant de lui-même.


J’avais ton âge, y’a à peu près ton âge

Le passage à l’âge adulte est glissant dans les virages

Maintenant que t’es dans le grand bain, devine comment on nage

Ecoute, j’ai pris quelques notes


T’as juste besoin d’une passion

Donc écoute bien les conseillers d’orientation et fais l’opposé de ce qu’ils diront

En gros tous les trucs où les gens disent : tu perds ton temps

Faut que tu te mettes à fond dedans et que tu t’accroches longtemps (…)

On te dira d’être premier, jamais d’être heureux

Premier c’est pour ceux qui ont besoin d’une note, qu’ont pas confiance en eux

T’es au moment de ta vie où tu peux devenir ce que tu veux

Le même moment où c’est le plus difficile de savoir ce que tu veux


Une superbe clôture d’album sauf que… Il sortira l’année suivante une réédition avec 11 nouveaux titres. Il expliquera lui-même : « je me suis rendu compte que j’avais encore des choses à dire ».

Effectivement, cette réédition, qu’il nomme symboliquement « Epilogue », est une continuité et une clôture de l’album, dans laquelle il vient « compléter » ses pensées et conclure un chapitre de sa vie.


Nouvelle introduction, nouveau point de départ.

Orelsan se sert de ce titre « Fantômes » pour régler ses comptes une bonne fois pour toutes. L’enjeu pour lui est de commencer en déchargeant tous les reproches, tout le négatif (notamment lié à la célébrité), cela afin de l’accepter pour pouvoir enfin tourner une page et avancer.


Leur haine est juste un passe-temps

J’vous baise soit en passant, j’connais ce qu’on perd en gagnant


Malgré les beaux habits, les vestes sont réversibles

On restera faux amis, tu peux chercher d’autres cibles

Ils attendent que tu tombes pour te mettre un penalty

Sois proche de tes ennemis, c’est comme ça, c’est la vie


T’inquiète pas mes problèmes vont bien


Cette réédition va lui permettre deux grandes choses. Premièrement, rectifier ses propos de l’album original et déclarer son amour pour sa famille dans un titre qui leur est entièrement dédié et dans lequel il dément ou corrige tout ce qu’il disait dans « Défaite de famille ».


J’ai cru que la famille allait me lyncher

La moitié m’a dit que ça les fait marrer, l’autre agit comme si j’avais rien fait

Combien de fois je les ai défoncés dans mes textes ?

Pourquoi j’écris la même merde que les comédies françaises que je déteste ?

C’est quand on risque de perdre les choses qu’on comprend leur valeur

C’est fou à quel point j’suis soulagé que personne fasse la gueule


Quoiqu’on en pense, une chose est sûre, on restera la meilleure famille qu’on ait jamais eue


Enfin, le plus grand changement, c’est bien le titre qui clôture la réédition, le titre « épilogue » de son épilogue donc. C'est un titre introspectif dans lequel il synthétise son parcours et son état d’esprit mais surtout dans lequel il est uniquement positif.


Nouveau jour, nouvelle ère, nouvel ordre, j’fabriquerai pas des nouveaux remords

Ca y est, j’ai fait le deuil d’une époque, j’sais que des fois vaut mieux changer de décors

Ça fait bizarre de voir les gens changer quand tu les as vus grandir

Mais je vais plus m’inquiéter pour les choses sur lesquelles je sais que j’aurai jamais d’emprise


Certains sont forts pour combler mes failles

D’autres savent bien comment on les exploite

Certaines relations sont néfastes

Parfois les chemins se séparent

Mais les erreurs se réparent

Et la ligne d’arrivée est souvent la ligne de départ


Epilogue c’est 5min de rap sans refrain, où il trouve des solutions à tous les problèmes qu’il avait encore et que j’ai décrits dans « La fête est finie ». Il rend hommage à toutes les relations de sa vie, il semble enfin faire le deuil du passé, faire la paix avec lui-même, stabiliser et accepter sa vie et son identité.


Ca y est Orelsan a grandi… De ce qu’il dit dans « Epilogue », on peut donc conclure qu’il est enfin pleinement adulte. Cette fois sa quête identitaire parait terminée et la boucle semble bouclée.


Enfin presque…


Pour aller plus loin :


Erikson (1980). Identity and the life cycle. New York, NY: W.W. Norton & Company.

Coté (2015). Les stades de développement d'Erikson et les troubles de personnalité [Thèse

de doctorat, Université du Québec]. Dépôt institutionnel de l’UQTR Cognito.

Baudelot (2008, 4 mars). Un nouvel âge pour la sociologie de la jeunesse. La vie des idées.

de Singly (2000). Penser autrement la jeunesse. Lien social et politiques, (43), 9-21.

 
 
 

2 comentarios


isabellefontenoy529
11 sept 2023

Ne pas arriver à s'engager dans une relation amoureuse même à 50 ans signifie t'il ne pas être adulte. Et s'engager pleinement très jeune signifie t'il être déjà adulte?

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Lucile
12 sept 2023
Contestando a

Alors, tous les chercheurs qui ont travaillé sur le passage à l'âge adulte ne retiennent pas les mêmes critères mais oui ils vont avoir plutôt tendance à dire que ce n'est pas une question d'âge. Pour certains auteurs, avoir la capacité d'avoir des relations stables, sincères et satisfaisantes dans lesquelles on prend soin d'une autre personne que soi, fait parti des critères pour être adulte. Et donc une personne de 50ans qui n'a jamais été capable d'avoir ce genre de relation ne serait pas considérée comme adulte selon leur point de vue

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